L’antimatière

Isabeau Bertrix, Nicolas Cadelis et Marc-Antoine Coté

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Introduction

Dans l’univers tel qu’on le connaît, il existe une multitude de particules. Ces particules composent tout ce qui nous entoure. Pourtant, on en connaît qui sont rares et ne peuvent être en contact avec la matière normale. C’est ce qu’on appelle l’antimatière.

Dans ce travail, on examinera la théorie associée à ces particules, soit : le développement de cette théorie, la structure des antiparticules, les interactions avec la matière et la production d’antimatière à différents degrés.

On examinera ensuite l’aspect expérimental, plus particulièrement la découverte des antiparticules, les travaux faits sur l’antihydrogène et les forces qui s’appliquent sur celui-ci, et les applications que pourraient avoir les antiparticules.

Finalement, on étudiera la présence d’antimatière à la création de l’Univers et les implications en physique des particules de l’inégalité entre particules et antiparticules.

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Théorie

0.1 Développement initial

L’existence de l’antimatière fut prédite pour la première fois en 1928 par Paul Dirac. Dans cet article, il étudie les difficultés associées au déplacement d’un électron dans un champs électromagnétique à des vitesses relativistes. L’hamiltonien associée à cette situation avec un potentiel scalaire A0 et un potentiel vectoriel A est :

[                              ]
  W--  e    2       e       2 2
 ( c + cA0 ) + (p + cA )+ m  cψ = 0
En établissant que l’énergie W peut être écrit ih∂-
∂t et que la quantité de mouvement s’écrit -ih-∂-
∂xr où r=1,2,3, on obtient l’équation suivante :

[                                         ]
    -∂-   e   2          -∂--  e        2 2
 (ih c∂t + cA0)  + Σr(- ih ∂xr + cA0 )+ m cψ = 0

En prenant le complexe conjugué de cette équation, on trouve

[                                  ]
 (- W-+  eA0)2 + (- p + eA )2 + m2c2
    c    c             cψ = 0

Ainsi, on voit qu’on peut introduire des valeurs de W positives ou négatives. On peut considérer que ces énergies sont en fonction de la charge, obtenant donc des valeurs deux valeurs possibles, +e et -e. Ces valeurs pouvant être solutions de l’équation, on pourrait observer des ondes qui agiraient comme ayant une charge négative ou positive, comme si elles étaient classiques. Ces solutions ne peuvent être simplement éliminées puisqu’une perturbation pourrait causer un changement du signe de l’énergie de l’onde. Ce phénomène serait accompagné d’un changement de signe du côté de la charge qui n’est pas observé. Ainsi, on doit séparer les deux formes, obtenant des ensembles distincts, soit un pour la charge positive et un pour la charge négative.[1]

On ne peut considérer que le changement de signe soit une transformation de l’électron en proton puisqu’on observerait une violation de la conservation de la charge. Aussi, si on considère que le mouvement d’un électron ayant une énergie négative se déplace comme s’il avait une énergie positive, on observerait un champ qui correspondrait à sa charge inverse. Il serait donc attiré par des électrons tout en les repoussant dû au champ produit. L’expression de l’énergie négative implique aussi que celle-ci serait plus petite lorsque la vitesse augmente ce qui n’est pas observé et est contre-intuitif.

Pour contrer ce problème, Dirac propose en 1930 l’existence d’électrons qui remplissent les états d’énergies négatives les plus stables, laissant certains états à basse vélocité, soit moins stables et plus énergétiques. On considère que par le principe d’exclusion, un seul électron peut être dans un état spécifique. Ces états étant presque tous occupés, les électrons ayant des énergies positives n’ont pas d’«espace» pour entrer dans un état d’énergie négative et vont ainsi agir comme on les observe dans les expériences.

Les états libres sont semblables aux niveaux de rayon X d’un atome qui serait ionisé. Pour remplir le «trou» dans l’atome, qu’on peut considérer comme un espace d’énergie négative, il faut compenser en introduisant un électron d’énergie positive. De la même manière, on peut considérer que les trous laissés par un état vide d’énergie négative ont une énergie positive. Ils agissent comme une particule d’énergie négative dans un champ électromagnétique, donc comme ayant une charge de +e. Cette structure fut plus tard appelée «mer de Dirac»[2].

On explique l’annihilation de particules et d’antiparticules par le contact entre dans ce cas-ci un électron et un de ces trous qu’on considère un positron. Ainsi, l’électron remplit le trou et il y a une décharge d’énergie électromagnétique, soit l’émission d’un photon. Une approche semblable peut être uniformisée aux autres particules.[2].

L’action des antiparticules est plus tard interprétée comme se déplaçant inversement dans le temps par Ernst Stueckelberg. Par la suite, dans les diagrammes de Feynman, on les représente par des flèches qui vont à l’inverse de la flèche du temps, comme on l’observe sur la figure 2.1.

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Figure 2.1 Exemple de diagramme de Feynman

0.2 Structure de l’antimatière

On distingue les particules des antiparticules par leurs charges. On fait cette distinction pour les quarks et les leptons. Les bosons et les particules intermédiaires dans les réactions ne sont pas classifiés puisque leurs compositions sont interchangeables ou ils n’ont pas de charges du tout. Par exemple, un photon n’a aucune charge.

Dans le cas des mésons, on observe que les quarks qui les composent sont chargés à l’opposé de leur contrepartie normale. C’est ce qu’on appelle un état lié. La somme des charges quarks qui les composent sera la charge de la particule finale, par exemple du neutron. Dans ce cas particulier, bien que la charge électrique de l’antineutron soit neutre, son nombre baryonique est l’opposé du neutron, c’est donc une antiparticule. Le tableau 2.1 contient les particules et antiparticules les plus communes.

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Tableau 2.1 Particules et antiparticules

0.3 Production naturelle

Il y a un certain nombre de manière de produire de l’antimatière. La plus courante est son apparition dans les interactions entre les particules. Par exemple, des positrons sont parfois émis lors de désintégrations β+. On appelle ce phénomène de l’émission de positrons et on observe ce genre de réaction chez certains ions comme le carbone-11 et l’oxygène-15.

On retrouve aussi des positrons lors de certains orages. Ceux-ci sont produits au-dessus des nuages. On observe les pics d’énergies causés par les positrons lors de leurs annihilations avec les électrons.

Une température assez élevée, soit une énergie moyenne supérieure à l’énergie de seuil de la production de paire, permettra aussi la création d’antiparticules.

Des antiprotons sont aussi produits et contenus dans la ceinture de Van Allen, une couche de particules chargées tenues en place par le champs magnétique de la Terre. Ces antiprotons sont produits par l’interaction de rayons cosmiques à haute énergie et l’exosphère de la planète. Ces particules voyagent selon les lignes de champs géomagnétiques qui appartiennent à la même coquille-L de McIlwain où elles sont produites [3].

Finalement, on observe des antiparticules, plus particulièrement des positrons et des antiprotons, dans les rayons cosmiques. Ces antiparticules ont des énergies beaucoup plus élevées que leurs contreparties «traditionnelles» dans des conditions semblables. Une portion de ces particules proviennent probablement du Big Bang, le reste provenant de processus cycliques à haute énergie, par exemple des paires d’électrons-positrons créées dans un pulsar alors qu’une étoile à neutron magnétisée arrache ces paires de la surface de l’étoile. [4].

0.4 Interactions avec la matière

L’interaction principale de l’antimatière est l’annihilation. Celle-ci se produit lorsqu’une antiparticule entre en contact avec sa contrepartie normale. Les deux particules se transforment complètement en énergie.(fig. 2.2) L’annihilation est une transformation presque parfaite de matière en énergie.

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Figure 2.2 Annihilation

Certaines particules peuvent créer un état lié. Le positronium est un état lié, il est composé d’un électron et d’un positron. Il fut décrit pour la première fois en 1934 par Stjepan Mohorovičić et observer en 1952 par Martin Deutsch. On connaît deux formes du positronium, le parapositronium et l’orthopositronium. On les distingue par les directions relatives des spins des particules qui le composent, para pour antiparallèle et ortho pour parallèle.[5].

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Figure 2.3 Positronium

Les positrons interagissent de manière différente avec des substances ayant des caractéristiques électriques différentes, soient les conducteurs (métaux) et les isolants dus à leurs caractéristiques spécifiques. On peut évaluer les deux cas individuellement grâce à cette particularité[6].

Dans le cas des métaux, un positron ayant une énergie E pourra pénétrer dans le matériau jusqu’à une profondeur à peu près proportionnelle à E32. Certains positrons seront diffusés à la surface du métal où ils vont soit s’annihiler, soit être capturés ou être éjectés dans le vide sous la forme d’un positron ou d’un positronium.

Lorsque le métal éjecte un positronium, il reste dans un état excité à un trou dont les interactions de plus grands ordres sont supprimées par la neutralité du positronium. L’énergie du positronium dépend des énergies des potentiels de dipôles du matériel. Dans le cas de métaux alcalins, on observe une énergie positive pour le positronium.

Des positrons lents sont émis presque sans pertes d’énergie aux paires électron-trou dû à la grandeur de la fréquence du plasma qui cause un mouvement associé à l’énergie de potentiel de dipôle à être adiabatique.

Un positron maintenu à la surface apparaît être dans un état qui est quelque part entre le positron libre et un atome de positronium. En lui donnant une petite quantité d’énergie (~ 0.5 eV), on libère un positronium qui, selon la température de la surface, nous permettra d’étudier les propriétés atomiques de cet état particulier. La figure 2.4 illustre les différents modèles et interprétations des interactions des positrons avec un métal. Les ϕ+ et ϕ- sont les potentiels dipolaires mentionnés plus haut.

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Figure 2.4 Résumé des interactions des positrons avec une surface métallique.[6]

Les positrons entrant en contact avec un isolant ayant une énergie plus basse que celle de la bande interdite du matériau vont perdre de l’énergie à un taux beaucoup plus petit qu’avant. Ainsi, le positron n’émettra que des phonons et pourra se diffuser sur de plus grandes distances, tout en restant «chaud» soit ayant des énergies assez élevées. Des cristaux relativement impurs semblent avoir une densité de défauts assez grande pour capturer ces positrons avant qu’ils perdus une quantité substantielle d’énergie.

Dans un solide de gaz rare, le positron va se refroidir significativement après un long lapse de temps et ont une distance de diffusion très grande. On peut produire seulement des phonons lors du déplacement du positron seulement s’il a une énergie inférieur à l’énergie minimale de formation du positronium. Ce dernier fonctionne comme un exciton et a une énergie aussi basse que le quart de son énergie dans le vide. Il sera donc repousser par l’isolant et sera éjecter sans perte d,énergie et dans une direction normale à la surface de l’isolant.

0.5 Production artificielle

On peut utiliser le processus de modération pour créer un rayon de positrons lents. On utilise un modérateur métallique puisque la thermalisation du positron est rapide comparativement à l’annihilation dans un solide, les positrons diffusent au travers de bons cristaux, la surface à une affinité négative et les probabilités de l’émission de positrons, de la capture à la surface et de la formation de positronium sont à peu près les mêmes, dans une situation où les trois cas sont des résultats positifs. La figure 2.5 montre la géométrie de ce genre de modérateur.[6].

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Figure 2.5 Géométrie du modérateur[6]

On peut aussi utiliser un isolant pour obtenir le genre de résultat. En utilisant un isolant fait à partir de gaz rares, on obtient de meilleurs résultats comparativement à d’autres isolants dus à leur supériorité en terme d’isolation. Un tel modérateur ayant la forme d’un U on obtient un taux de réémission d’environ 0.7%. La forme et la structure du solide sont illustrées dans la figure 2.6.

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Figure 2.6 Géométrie en U d’un modérateur à Ne[6]

Ce processus cause une diminution de l’énergie tout en gardant intact le nombre de positrons à peu près constant. On peut augmenter la brillance du rayon obtenu en répétant le processus d’accélération, focalisation et modération du rayon. Ce processus nous permet d’obtenir un rayon ayant des dimensions microscopiques, soient plus concentrés. La brillance est donc plus grande même si on perd de l’énergie à chaque fois qu’on applique le processus.(fig. 2.7)

On peut projeter ce rayon sur un solide pour examiner les réactions avec les métaux. Ces réactions peuvent créer et émettre des positrons thermiques qui seront eux aussi très brillants. On peut ensuite utiliser ce rayon pour deux applications différentes.

La première consiste à laisser le rayon s’étendre après l’avoir excité dans un état 2S. On peut ensuite focaliser ce rayon pour avoir un rayon parallèle. On applique un champ électrique qui excitera le positronium pour qu’il ait un temps de vie d’environ 1 seconde. En faisant passer ce rayon dans un tube assez long, on peut mesurer le temps de vie exacte de ce positronium.(fig. 2.8

On pourrait aussi former une petite section de positronium négatif(un atome de positronium avec un électron qui l’orbite) par interaction sur un film de carbone. En accélérant ces particules à haute énergie (100 KeV) et en les focalisant en un rayon parallèle. On arrache ensuite l’électron avec un laser, nous laissant finalement avec un rayon collimé de positronium à haute énergie. Cette application particulière serait aussi utilisée pour calculer le temps de vies du positronium cette fois-ci dans des conditions standards.(fig. 2.9)[6]

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Figure 2.7 Remodération d’un rayon de positrons[6]

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Figure 2.8 Première application de la remodération[6]

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Figure 2.9 Deuxième application de la remodération[6]

0.6 Production d’antihydrogène

Il est possible de créé des atomes d’antihydrogène à l’aide de positrons et d’antiprotons produits de diverses façons, dans le cas des positrons on pourrait utiliser la méthode de modération mentionnée plus haut.

Pour obtenir un anti-atome, on doit mettre en contact ces composés dans une chambre magnétique pour s’assurer qu’ils ne soient en contact qu’avec de l’antimatière.

Lorsqu’il sont en contact, ils peuvent se recombiner de deux manières différentes, soit dans des collisions à deux corps ou des collisions à trois corps. Ces recombinaisons et le taux R auxquels ils se produisent s’expriment

2corps : e+ + p H + hνR ~ nT-1
2

3corps : e+ + e+ + p H + e+R ~ n2T-92

Où n est la densité de positron et T leur température.

Il est donc avantageux d’avoir un basse température et une grande densité de positrons. Ces conditions correspondent à un régime plasma. C’est dans ces conditions que les accélérateurs de particules contiennent les nuages d’antiparticules.[7]

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Expérimental

0.7 Introduction

L’existence de l’antimatière a été prédite par les équations de Dirac en 1928 mais ce n’est que récemment que l’on arrive à en isoler et à l’observer expérimentalement. Les expérimentations sur l’antihydrogène peuvent permettre de vérifier les symétries de charge, de parité, et de temps en comparant ces propriétés avec l’hydrogène. Dans cette partie un bref historique des découvertes expérimentales sera présenté puis l’expérience ALPHA sera expliqué plus en détail nous répondrons également àla question de la production d’antihydrogène et des autres expériences réalisées. Ainsi que d’autres expériences dont certaines sur la gravité et des applications médicales.

0.7.1 Historique des découvertes

Quatre ans après la prédiction théorique de l’antimatière,en 1932, Carl Anderson découvre le positron en étudiant l’interaction entre un rayonnement cosmique avec une chambre à brouillard. Il se retrouvait avec une particule chargée positivement ayant la même masse que l’électron. Il la nomma «positron».

En 1934, Ernest Lawrence a breveté le cyclotron. En 1954, le Bevatron est construit à Berkeley, California. Il est conçu pour accélérer et faire la collision des protons à une énergie de 6.2 GeV, une énergie optimale pour la création d’antiprotons. Et, effectivement, l’année suivante il permet la découverte de l’antiproton, et celle de l’antineutron en 1956.

En 2002, les premiers atomes d’antihydrogène froids sont produits par ATHENA. Par contre puisqu’ils ne contiennent pas de champ magnétique capable de piéger les particules neutres, les antihydrogènes se sont aussitôt annihilés, ce qui a permis leur détection. [8]

En 2011, le spectromètre magnétique Alpha (AMS-02) a été ajouté à la Station spatiale internationale. C’est une expérience sur les positrons cosmiques et elle a des objectifs de recherche de matière noire et de la matière et antimatière manquant. Il possède un grand aimant et plusieurs détecteurs. [9]

En avril 2011, ALPHA a annoncé avoir piègé 309 atomes d’antihydrogène. Certains d’entre eux ont tenu jusqu’à 1000 secondes. C’est 4 ordres de grandeurs de plus que le record précédant. C’est un temps qui permet de vérifier des propriétés sur l’antihydrogène qui démontre que celui-ci pourrait être aussi stable de l’hydrogène dans le vide.[10]

En 2012, des expériences de spectroscopie ont commencé sur l’antihydrogène et en 2016 une limite de 10-21e sur la charge de l’antihydrogène a été obtenu par ALPHA.[11][12]

0.8 Antihydrogène

Tous les atomes ont leur équivalant en antimatière. Au lieu d’être un assemblage de protons, de neutrons et d’électrons, ils sont faits d’antiprotons, d’antineutron et de positrons. L’antihydrogène est le plus simple atome, il est fait d’un antiproton avec un positron. Depuis peu de temps, nous sommes capables d’en produire expérimentalement.

0.8.1 ALPHA

L’ALPHA (Antihydrogen Laser PHysics Apparatus) est une collaboration internationale qui se situe au CERN et qui a pour but de produire et piéger des atomes d’antihydrogène afin d’étudier leurs propriétés pour en savoir plus sur les symétries fondamentales entre la matière et l’antimatière. Il a été mis en fonction en fin 2005 et est le successeur de ATHENA. ATHENA permettait aussi de créer de l’antihydrogène en amenant ensemble des antiprotons et des positrons dans un appareil avec confinement magnétique pour particule chargée. L’antihydrogène, étant neutre, allait s’annihiler sur les parois quelques microsecondes après sa création. L’ALPHA possède une manière de capture différente lui permettant de garder l’antihydrogène plus longtemps. Il produit un champ magnétique inhomogène qui permet de garder en place les atomes neutres en utilisant l’interaction du champ magnétique avec le moment magnétique dipolaire de l’atome. En juin 2011, ALPHA a rapporté avoir capturé de l’antimatière pour plus de 1000 secondes. L’ALPHA possède des sources d’antiprotons, de positrons, des moyens de les refroidir et de les emprisonner (piège de Penning, magnétique, chambre à vide, bains d’hélium liquide) ainsi que des capteurs tout autour pour mesurer les produits des annihilations.

0.8.2 Fabriquer de l’antihydrogène

Pour produire de l’antihydrogène, il faut d’abord produire des antiprotons et des positrons cohérents et assez froids pour être mis ensemble par une recombinaison à trois corps comme expliqué dans la partie théorie.

p-+ e+ + e+ → H- + e+
Production de positron

Les positrons sont produits par la radiation bêta d’une source de sodium Na-22 d’environ 2.8 GBq. 2Na β+ + 22Ne) Ils sont émis dans toutes les directions avec une distribution d’énergie cinétique continue d’en moyenne 545 keV et bien sûr pas de manière périodique. Pour qu’ils soient utilisables pour la production d’antihydrogène, ils doivent d’abord être ralentis et être rendus cohérents. Pour ce faire, on utilise un modérateur, du néon solide à une température de 5-6 K. Les temps de vie des positrons dans un solide de matière sont généralement courts à cause de la haute probabilité d’annihilation. Par contre, par un procédé de modération, il est possible que les positrons soient réémit et avec une plus faible énergie.

La pénétration d’un positron d’énergie cinétique E à la surface d’un métal est proportionnelle à E32. Le positron peut ensuite soit s’annihiler avec les électrons et être pris à la surface ou bien s’éjecter en tant que positron libre ou positronium de l’autre côté avec une énergie plus faible. Le positronium est un atome exotique qui consiste en un positron et un électron qui s’«orbitent» l’un avec l’autre. L’efficacité du faisceau de positrons qui traverse le modérateur de néon est d’environs. 0.5%.[6]

Le faisceau est ensuite guidé par un solénoïde de 0.14T produisant un champ magnétique axial pour l’amener jusqu’à une «Penning-Malmberg trap» où les positrons seront ensuite refroidis par collisions avec de l’azote gazeux, c’est la méthode de Surko. C’est un piège à symétrie cylindrique avec un champ magnétique axial uniforme pour produire un confinement radial. Puisque le plasma de positrons est chargé, il produit son propre champ électrique qui le fait tourner à cause du terme (v x B) dans la force de Lorentz et avec une fréquence bien définie. On peut le faire tourner plus vite en appliquant un champ électrique et par conservation du moment angulaire, le plasma se contracte radialement. C’est la méthode du «rotating wall». Avec la réaction (e+ + N2 e+ + N *2) 9eV d’énergie cinétique sont transférés des positrons aux N2. Cette réaction d’excitation est plus probable que la formation de positronium (e+ + N2 Ps + N2+). Il y a trois phases de différentes dimensions à ce piège. À chaque passage environ 20 - 30% des positrons perdent de l’énergie. Le piège est maintenu à l’intérieur d’une chambre à vide avec une pression de moins de 10-8Torr pour minimiser l’annihilation. Quand le plasma a le nombre de positrons et la taille désirée, il est éjecté de l’accumulateur pour se rendre à l’appareil principal où il est recapturé. Puisque le champ magnétique est de 1T dans cette région, les positrons perdent davantage d’énergie par rayonnement cyclotron jusqu’à un équilibre thermique.

Le tout est dans un environnement cryogénique à une température d’environs 7-8K. Avec la technique de refroidissement par évaporation on continue à refroidir les positrons jusqu’à l’ordre de 10K. Ils sont piégés magnétiquement et les positrons de plus haute énergie s’échappent. Les positrons sont enfin prêts pour la production d’antihydrogène.

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Figure 3.1. Schéma de l’accumulateur de positrons ALPHA. Le «Coldhead» à droite contient la source de 22Na puis le modérateur de néon refroidi à 5K. [13]

Production d’antiprotons

Les antiprotons sont initialement produits à partir du Proton Synchrotron Booster, c’est fait de quatre anneaux de synchrotron superposés qui reçoivent initialement un jet de protons accélérés linéairement à 50MeV. Le jet de protons est ensuite accéléré par le Proton Synchrotron (PS) et rentre en collision avec un bloc de métal. L’énergie de la collision créée dans un millionième des cas, une paire de proton et antiproton. Ces particules sont produites à des vitesses relativistes et dans toutes les directions, alors tout comme la production de positrons, les antiprotons doivent être ralentis et aller dans la même direction. On utilise donc l’«Antiproton Decelerator» pour former un faisceau d’antiprotons à basse énergie.Les antiprotons sont dirigés par un anneau d’aimants et sont ralentis par un fort champ électrique. Ils sont ralentis par un nuage d’électrons. C’est une technique qui permet de réduire l’étalement d’énergie et les déplacements vers l’extérieur du parcours, l’espace des phases est compressé donc la température du faisceau diminue et est plus cohérente. [14][15]

Fonctionnement des pièges

Pour que les antiprotons et les positrons puissent réagir ensemble, ils doivent être maintenus en place à l’aide d’un piège de Penning. C’est avec un champ magnétique constant de l’ordre du Tesla et un champ électrique quadripolaire et constant. Le champ magnétique procure un confinement radial, car les particules suivent les lignes de champs et le champ électrique les empêche de sortir de part et d’autre du piège.

Le dispositif qui génère le champ électrique est fait de groupes d’électrodes de forme d’hyperboloïde de révolution ; un anneau au milieu et 2 pièces aux bouts. Pour piéger des particules positives, les électrodes des bouts ont un potentiel positif par rapport à celui de l’anneau. Ce qui produit un potentiel avec un point de selle dans le milieu procurant un confinement axial.

Le piège utilisé par ALPHA est en fait une variation qui se nomme piège de Penning-Malmberg. La différence est que le potentiel n’est par parfaitement quadratique. La tension est appliquée sur une série d’électrodes cylindriques creuses et non hyperbolique ce qui est très suffisant et plus réalisable techniquement.

Les particules étant sujettes à la force de Lorentz, elles font des spirales autour des lignes de champs et émettent ainsi de la radiation, ce qui fonctionne bien pour que les positrons se refroidissent d’eux-mêmes, mais pas pour les antiprotons puisqu’ils sont plus massifs (la puissance dissipée par le rayonnement cyclotron dépend de la masse-4.), il faut utiliser des moyens supplémentaires pour qu’ils puissent être à une température convenable à la formation d’antihydrogène. Le piège contient une succession de 35 électrodes d’aluminium plaqué or d’environ 40 mm de diamètre et de longueurs différentes, le tout à l’intérieur d’une chambre sous vide et entourée d’hélium liquide pour refroidir. La tension appliquée à chaque électrode peut être contrôlée indépendamment, on peut donc connaître précisément la forme du potentiel à l’intérieur du piège.[16]

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Figure 3.2. Schéma des électrodes du piège de Penning-Malmberg de ALPHA.

Les trois électrodes à haut voltage (en rouge) servent à capturer les antiprotons et positrons. Un voltage sinusoïdal est appliqué à chaque voltage et avec un déphasage avec le segment avant. Ce qui génére un champ électrique qui applique un torque sur le plasma et le fait compresser. Cette technique de refroidissement se nomme le «rotating wall» [17]

Les positrons provenant de Décélérateur d’antiprotons rentrent par la gauche du schéma à la figure 3.2. par coup d’environ 3 × 107 d’antiprotons de 530KeV à chaque 100 secondes. Ils passent avant par une «feuille de dégradation» et rentrent dans la «catching trap» avec une distribution d’énergie allant de 0 à 530keV. La tension est appliquée créant une barrière de potentiel permettant aux particules de plus haute énergie de s’échapper et de s’annihiler. On peut ensuite changer le potentiel de manière à ce que les antiprotons de basse énergie (4keV ) se retrouvent au piège. Avant d’être utilisé ils sont refroidis davantage, avec la méthode des électrons, la radiation cyclotron et la méthode du «ratating wall».

Pour ce qui est des positrons, ils sont maintenus et refroidis encore une fois en abaissant la barrière de potentiel pour se débarrasser des positrons de haute énergie et subissent les mêmes autres méthodes de refroidissement avant de rentrer dans la région centrale où les antihydrogènes seront formés.

C’est finalement dans la région centrale que les antiprotons et positrons se rencontrent. Les plasmas y sont transférés en ajustant les champs et sont emprisonnés dans des puits de potentiels. Avec la technique d’injection autorésonante, les positrons sont injectés dans le plasma d’antiproton.

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Figure 3.3. Schéma de la partie centrale du piège où les composantes sont mixées pour former l’antihydrogène et le potentiel de mélange.[18]

L’antihydrogène est neutre par contre il possède un moment dipolaire magnétique permettant de le piéger avec un piège magnétique. Il faut un champ magnétique avec un minimum central et de hautes valeurs sur l’extérieure. Pour produire un tel champ, il faut un certain design d’aimant. Il y a deux «mirror coils» de chaque côté qui sont en fait des petits solénoïdes créant un fort champ à proximité donc agissant comme un «mur» pour un confinement axial.Pour le confinement axial, il y a un aimant multipôle tout autour. Dans le cas d’ALPHA c’est un aimant octupole.

Puisque le moment dipolaire de l’antihydrogène est très petit, il faut de très hauts courants. Les aimants sont donc faits de supraconducteur pour pouvoir supporter de tels courants. Les supraconducteurs fonctionnant à basse température, le tout est placé dans un bain d’hélium liquide d’environ 4K.

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Figure 3.4. Schéma de la trappe magnétique ALPHA.[10]

Fonctionnement des détecteurs

Il y a des détecteurs d’annihilation autour pour mesurer la présence d’antiparticules. Il se nomme «Silicon Vertex Detector» (SVD). Comme on peut le voir à la figure 3.3 et 3.4, il est fait de 3 couches et a une résolution de 4 mégapixels. La plupart des annihilations ont lieu sur le plaquage d’or, mais il arrive que la réaction ait lieu dans les rares particules restantes dans la chambre à vide. Le positron étant un lepton, il forme 2 rayons gamma en s’annihilant avec l’électron. Pour ce qui est de l’antiproton, c’est plus compliqué, car il y a plusieurs pions, en moyenne trois, d’émis qui passe à travers les parois du piège ainsi que des 3 couches de senseurs. Le SVD détecte les passages et à partir de ces informations est capable de retracer la position des événements. Le SVD capte aussi le fond cosmique de muon.

0.8.3 ATHENA and ATRAP

ATHENA

ATHENA est la première expérience à produire de l’antihydrogène froid. C’est le prédécesseur d’ALPHA. ATHENA était capable de faire ce qu’ALPHA faisait. À ceci près qu’il ne peut préserver l’antihydrogène puisqu’il n’avait pas de piège à particules neutres. [7]

ATRAP

L’ Antihydrogen trap (ATRAP) est une autre collaboration permettant d’étudier l’antihydrogène. Elle contient un solénoïde de 1T avec un piège de Penning et de Ioffe à l’intérieur ainsi qu’un tube de fibre scintillant et quatre couches de plaque de détecteur à l’extérieur et 2 à l’intérieur. En 2002, avec la collaboration d’ATHENA on a pu en détecter pour la première fois. La spectroscopie permettra de comparer les résultats avec l’équivalent ordinaire. [19]

0.8.4 Expériences

Raies d’absorptions

La théorie actuelle prédit que les niveaux d’énergie des atomes de matière et leur équivalant d’antimatière sont les mêmes. Des premières mesures sur l’atome d’antihydrogène ont été obtenues en 2012 avec ALPHA. L’atome d’hydrogène est un modèle de physique moderne très important et bien connu et est donc une excellente référence pour vérifier cette symétrie et valider des modèles comme celui de l’électrodynamisme quantique. Des mesures de spectrométrie ont été effectuées sur un atome d’antihydrogène pour démontrer les transitions quantiques de résonance dans l’antihydrogène. Avec la résonance micro-onde, ils peuvent manipuler l’état du spin interne de manière à induire des transitions de résonance magnétique entre les niveaux hyperfins de l’état fondamental positronique. Le changement de spin éjecte l’atome en dehors du piège. Ils regardent pour des évidences d’une interaction de résonance en calculant le taux d’atomes éjecté. 23 sur 110 ont survécu. [11]

Charge électrique

Un autre paramètre qui peut être mesuré afin de vérifier les relations de symétries entre la matière et l’antimatière est la charge électrique. L’antihydrogène devrait tout comme l’hydrogène avoir une charge nette neutre. Début 2016, une expérience provenant d’ALPHA etpermettant d’améliorer la limite sur la charge de l’antihydrogène à partir d’accélérations stochastiques a été publiée. Supposons que l’antihydrogène ait une charge, alors en appliquant une perturbation au champ électrique, il réagit. L’expérience consiste à appliquer des perturbations à un antihydrogène piégé de manière répétitive et stochastique et de comparer avec un antihydrogène témoin. On peut ainsi fixer une limite à la charge de l’antihydrogène. La limite obtenue est que la charge ne peut pas être plus grand que. 10-21e [12]

0.9 Gravité de l’antimatière

Qu’arriverait-il si on laissait tomber de l’antimatière à la surface de la Terre (en supposant que l’on se place dans le vide afin d’éliminer de possibles annihilations avec la matière alentour !) ? Et si la gravité était répulsive pour l’antimatière ? Ça pourrait expliquer le déficit d’antimatière dans l’univers. Il pourrait y avoir des galaxies d’antimatière. Et comme celles-ci repousseraient les galaxies de matière, on ne pourrait pas observer d’annihilations de galaxies et de différence dans le type de matière, car elles émettraient la même lumière. Pour l’instant nous n’avons aucun résultat expérimental concluant sur l’effet de la gravité sur l’antimatière. Elle pourrait accélérer à un taux différent ou même être répulsive de la matière ordinaire et «monter». Il n’y a aucun principe fondamental qui supporterait que l’effet de la gravité agisse différemment pour la matière et l’antimatière. Même qu’il y a des arguments qui supposeraient que ce ne soit pas le cas. Par exemple, on sait et on observe que la trajectoire de la lumière est courbée par la gravité causée par de grosses masses. Pourtant les photons sont leurs propres antiparticules, donc si la gravité était répulsive pour l’antimatière, les particules de nombre baryonique neutre comme le photon ne devraient pas être affectées par la gravité. [20]

Néanmoins, il est pertinant de vérifier expérimentalement cet effet, mais peut-on réellement vérifier l’influence d’une force aussi faible appliquée à un seul atome ? L’attraction gravitationnelle est hautement négligeable comparée à la répulsion électromagnétique si on regarde par exemple l’attraction vs la répulsion de 2 protons :

GM  2
---2-
  R << k q2
-c2-
 R
Avec G de l’ordre 10-11, la masse des protons de l’ordre 10-27, kc 1010 et q 10-19, On a que la répulsion électromagnétique est 1037 fois plus grande que l’attraction gravitationnelle. Le meilleur candidat pour une telle expérience est l’antihydrogène, car il a une charge neutre, mais ça reste tout de même très difficile à mesurer, car n’importe quelle perturbation est d’un ordre de grandeur significatif par rapport à ce que l’on mesure.

0.9.1 ALPHA-g

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Figure 3.5. Schéma du montage de ALPHA-g.[21]

L’expérience «ALPHA-g» est dédiée à cette cause. Elle est basée sur une méthode qui permet de mesurer directement la limite du ratio de la gravité sur la masse inertielle de l’antimatière. La structure pour piéger les antihydrogènes est construite à la verticale et mesure 2m. L’antihydrogène est refroidi par un laser. Avec les détecteurs tout autour, on peut détecter le lieu d’annihilation et ainsi mesurer l’influence de la gravité. Une telle expérience ne serait pas réalisable avec de l’hydrogène ordinaire, car la mesure provient de l’annihilation.

L’expérience n’a pas lieu au moment de la rédaction de ce projet, mais les appareils devraient être mis en service en automne 2016 et pouvoir donner des mesures du signe de g dès que les premiers antihydrogènes seront capturés. Par la suite des expériences de chute libre peuvent être réalisée avec des antihydrogènes extrémement froids refroidis au laser, avec des résultats attendus d’une précision de l’ordre du pourcentage et qui pourrait permettre la spectroscopie micro-onde. L’étape suivante serait l’interférométrie d’onde d’antimatière avec une précision estimée de l’ordre de 0.1%

0.9.2 AEGIS

Le but de Antihydrogen Experiment : Gravity, Interferometry, Spectroscopy (AEGIS) est de mesurer directement l’accélération gravitationnelle de la Terre,g. Cette expérience est également basée au CERN. Pour leur première phase d’expérimentation, ils utilisent un faisceau d’antiprotons provenant du décélérateur d’antiproton et font un faisceau d’antihydrogène et le font passer dans un déflectomètre de moiré couplé à un détecteur sensible aux positrons. Le déflectromètre divise le faisceau d’antihydrogène en plusieurs faisceaux parallèles. Avec la mesure de déflexion des faisceaux durant son vol horizontal on peut déterminer la force gravitationnelle terrestre exercée sur les atomes d’antihydrogène.[22]

0.10 Applications en médecine

0.10.1 Antiproton Cell Experiment (ACE)

Le Antiproton Cell Experiment (ACE) est une expérience débutée en 2003 qui a pour but de perfectionner l’usage des antiprotons pour la thérapie du cancer. Une des méthodes utilisées et d’envoyer un faisceau de protons pour détruire les cellules cancéreuses, en les envoyant avec juste assez d’énergie pour que les particules chargées finissent leur parcours jusqu’à la tumeur. L’idée de l’expérience ACE serait d’utiliser des antiprotons à la place pour qu’ils s’annihilent avec le noyau d’un atome de la cellule cancéreuse et ainsi causer une explosion qui détruirait les cellules cancéreuses autour. L’expérience se fait avec des tubes de cellules de hamster et le but est de trouver une technique permettant de minimiser les dommages sur les cellules saines.[23]

0.10.2 Tomoscintigraphie par émission de positons (TEP)

La tomoscintigraphie par émission de positons (TEP), PET en anglais, est une méthode d’imagerie médicale qui utilise l’émission produite par des positrons préalablement ingérés, pour mesurer en trois dimensions une activité métabolique.

Comme nous venons de le voir, la pertinence des recherches sur l’antimatière possède non seulement le but d’expliquer les symétries, mais aussi de développer des techniques médicales avancées.

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Cosmologie

0.11 introduction

Si l’on en croit les lois du modèle standard de la physique des particules, il n’y a aucune raison pour que la matière soit plus abondante que l’antimatière dans l’univers. Or, d’après nos observations, il semble que ce soit le cas. Partout autour de nous, tout n’est que matière, notre environnement, et donc notre planète, notre système solaire et il est très probable que notre galaxie soit elle aussi entièrement constituée de matière, sinon nous observerions des anhiliations spectaculaire. Mais alors, où est l’antimatière ? Et si l’Univers entier n’était constitué que de matière ? C’est fort possible, et nous partirons de cette supposition pour tout ce qui va suivre. Si l’on part sur l’idée d’un Univers dominé par la matière, il nous faut nous demander comment une telle chose et possible. En effet, pourquoi une telle domination de la matière sur l’antimatière ? Dans cette partie, nous tenterons de répondre à cette question, bien qu’aucune réponse définitive n’est encore été validée. Deux idées majeures se distinguent, d’une part, l’idée que l’Univers ait été plus riche en matière dès le départ, c’est-à-dire que l’asymétrie découlerait du Big Bang lui-même, et d’autre part, celle que le déséquilibre ait eu lieu plus tard, et que l’Univers ait été symétrique à son origine. La deuxième idée étant la plus plébiscitée, nous ne parlerons ici que d’elle. Dans un premier temps, nous décrirons les premiers instants de l’Univers, pour tenter de comprendre les mécanismes de formation de la matière et de l’antimatière après le Big Bang, puis nous présenterons les différentes théories existantes formulées dans le but d’expliquer cette inégalité cosmique.

0.12 Premiers instants de l’Univers

Si personne ne sait ce qui s’est produit avant et au moment du big bang (s’il est possible de l’imaginer), de nombreuses hypothèses existent pour décrire ce qui s’est produit durant la première seconde de l’Univers. Nous ne décrirons pas ici les aspects ne se rapportant pas à notre sujet, même s’il y aurait beaucoup à dire, entre autres sur la nucléosynthèse ayant conduit à la formation des atomes, et à la séparation d’une seule force originelle, ayant généré les quatres forces que nous connaissons.

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Figure 4.1 :Évolution de la température de l’Univers durant la première seconde de son existence[24]

Ce que l’on sait, c’est qu’après le Big Bang, le jeune Univers est un lieu très particulier, dans lequel les concepts standards d’espace et de temps ne s’appliquent pas. Ainsi, la connaissance humaine ne peut pour l’instant pas le décrire avec certitude. Cette période inconnue est appelée «ère de Planck», et prend fin 10-43s après le Big Bang.

Puis, à 10-35s, l’Univers entre dans un expansion extraordinaire, c’est l’inflation. Il s’étend à une vitesse incroyable, dans toutes les directions. La fin de la période inflationnaire n’est pas encore connue avec précision, mais on peut donner une approximation à 10-32s. Il faut savoir que la théorie de l’inflation est une des théories les plus spéculatives de la cosmologie moderne, cependant, elle permet pour l’instant d’expliquer des problèmes majeures comme la platitude et l’homogénéité de l’Univers.

Durant cette période, donc, la taille de l’univers augmente d’un facteur 1026 (alors que depuis l’apparition des premiers atomes, il y a 13,4 milliards d’années, la taille de l’Univers n’a augmenté que d’un facteur mille !). En s’étendant, l’Univers refroidit, et c’est ainsi que l’énergie primordiale de l’Univers donna naissance aux toutes premières particules : les quarks et les antiquarks.

Les quarks et les antiquarks s’annihilent à chaque rencontre, en créant un photon. Si la même quantité de matière et d’antimatière avait été présente au début, il est facile d’imaginer que ce processus aurait ainsi du créer un univers sans matière ni antimatière, et seulement de lumière. Or, nous sommes là. Comment est-ce possible ? Il semble que pour une raison inconnue, pour chaque milliard de particules d’antimatière, il y en ait un milliard une de matière. Ainsi, une particule de matière sur un milliard survit à ce processus destructeur. C’est ce qu’on appelle, la brisure de symétrie. Comme on peut le voir sur la figure 4.1, au moment de la brisure de symétrie (au moment de l’inflation), la température de l’Univers est encore extrêmement élevée. On peut donc supposer que cette information aura des répercutions sur les théories que nous verrons dans quelques instants. [25]

0.13 La Baryogénèse

Avant de présenter cette théorie, il nous faut définir ce qu’est un baryon : Un baryon est une particule formée de trois quarks, les plus connus sont les protons et les neutrons, qui sont des nucléons. Mais il existe aussi des baryons Lambda, Sigma ou Xi, et d’autres encore.


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FIGURE 0.1: Les huit baryons de spin 1/2 composés uniquement de quarks u, d et s, classés par étrangeté (S) et charge (Q)[26]
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FIGURE 0.2: Les dix baryons de spin 3/2 composés uniquement de quarks u, d et s, classés par étrangeté (S) et charge (Q)[27]

La baryogénèse est le terme générique désignant l’ensemble des processus physiques hypothétiques qui ont produit le déséquilibre entre baryons et antibaryons, produits comme nous l’avons vu, dans les premiers instants de l’Univers.

Nous parlerons ici du nombre baryonique, qui est donné par la relation suivante :

B = N-q---N-q-
    3

Avec Nq le nombre de quarks total des particules engagées dans la réaction, et Nq le nombre d’antiquarks total. L’observation expérimentale nous apprend que le nombre baryonique est conservé dans presque tous les processus connus. L’équation de conservation du nombre baryonique est la suivante :
δμJ μB = jδμ(q jγμqj) = 0
Avec JμB le courant classique baryonique, ainsi conservé.
De plus, l’opérateur nombre baryonique commute avec l’Hamiltonien.

La seule qui permette une violation de la conservation du nombre baryonique, est appelé "anomalie chirale".Cependant, celle-ci ne peut expliquer à elle seule l’immense domination de la matière.

0.13.1 L’anomalie chirale

Tout d’abord, parlons de symétrie en physique des particules.

La symétrie conforme est une caractéristique possédée par certains systèmes : Ceux-ci semblent analogues quelque soit l’échelle d’observation. En physique statistique, lors de transitions de phase, on peut ainsi observer une grande classe de ces systèmes. Cette caractéristique est réalisable dans des systèmes de dimensions différents, mais le cas à deux dimensions est particulier : en effet, le groupe de systèmes associés à une dimension infinie, ce qui impose de fortes contraintes sur les structures observables. Par conséquent, la symétrie conforme d’un système donne toutes ses caractéristiques. Les contraintes supplémentaires de symétrie permettent à des systèmes microscopiquement différents d’avoir des propriétés macroscopiques comparables lors de transitions de phase. Cet aspect est appelé l’universalité.

Qu’est-ce qu’une brisure de symétrie ? Lors d’une expérience, lorsqu’une symétrie n’est pas observée, on parle alors de symétrie brisée. Les causes de ce phénomène sont les suivantes :

-brisure explicite : lorsque la symétrie espérée n’est pas une invariance fondamentale des lois sous jacentes

-brisure spontanée : lorsque l’on a bien affaire à une invariance fondamentale, mais que les conditions de l’expérience entraînent l’absence d’apparition explicite.

Au niveau classique, certaines théories disposent d’une symétrie, laquelle est visible si l’on regarde l’expression de son Hamiltonien. Celle-ci peut être brisée lors du calcul des correction quantique à l’une des identités de Ward, après la procédure de quantification.L’anomalie chirale en est un exemple. Les identités de Ward étant des équation de conservation des courants associés à chaque symétrie continue, locale ou globale. Il s’agit en fait d’une anomalie triangle, comme le montre le schéma ci-après :

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Figure 4.2 : Diagrammes générant l’anomalie chirale[28]

L’anomalie chirale peut être globale ou locale.

Dans le cas d’une symétrie globale, elle entraîne une brisure quantique de la symétrie, ainsi que la violation de certaines grandeurs physiques par corrections quantiques, alors que celles-ci étaient prédites par la symétrie. Par conséquent les prédictions sur la physique du modèle seront différentes, sans que cela est d’impact sur la cohérence de la théorie de la quantification.

Si la symétrie est locale : la quantification du champ de jauge qui permet la symétrie de jauge n’est cohérent que dans le cas où cette symétrie de jauge est exacte ou spontanément brisée. L’anomalie d’une symétrie de jauge est donc fatale à la cohérence de la théorie quantifiés et il faut imposer l’absence d’anomalie comme une contrainte à la construction de la densité Lagrangienne.

Avec l’anomalie chirale, le nombre baryonique n’est pas conservé, en vertu de la force électrofaible.
Et ainsi :

δμJ μB = G2C
16π2-Gμνa˜G μνa
Avec C une constante numérique. S’il y avait eu conservation, le résultat aurait été égal à 0. L’intensité du champ de jauge Gμνa est donné par l’expression suivante :
Gμνa = δ μAνa - δ νAμa + gf bcaA μbA νc
L’anomalie chirale s’observe donc expérimentalement, et le nombre baryonique n’est pas conservé. Cependant, l’anomalie chirale à elle seulement ne peut expliquer l’immense déséquilibre qui a menée la matière à dominer totalement l’antimatière. [29] [30] [31]

0.13.2 les conditions de la baryogénèse (conditions de Sakharov)

Dans cet partie nous présenterons les conditions nécessaires à l’apparition de la baryogénèse. Ces conditions sont appelées "conditions de Sakharov", du nom du physicien russe Andrei Sakharov. À très haute énergie, un nouveau processus, encore non inclus dans le modèle standard, permet la violation de la conservation du nombre baryonique. Pour que cela se produise, il faut remplir trois conditions, les conditions de Sakharov :
-La violation de la CP symétrie ;
-La violation du nombre baryonique B ;
-les interactions sur l’équilibre thermique.
[32]

Violation de la CP symétrie

Il faut donc que la symétrie CP soit violée. La symétrie CP est la combinaison de la symétrie C, qui est responsable que la symétrie de conjugaison, et de la symétrie P, qui est la symétrie de parité. La symétrie CP implique que les lois de la physique sont les mêmes si une particule est interchangée avec son antiparticule (symétrie C), et quand les coordonnées spatiales sont inversées (symétrie P, ou "miroir"). Le modèle standard prévois trois sources de violation de la symétrie CP :
-la présence d’une matrice CKM dans le secteur quark, observé expérimentalement, mais ne peut représenter à lui seul l’asymétrie totale observée.
-l’interaction forte en est une en principe, mais l’expérience nous montre que ce n’est pas non plus suffisant. En effet, cela entraîne un non respect du moment dipolaire électrique du neutron.
-la matrice PMNS dans le secteur du lepton. Mais les expériences sur les neutrinos ne sont pas encore assez sensibles pour permettre l’observation expérimentale de la violation dans le secteur des leptons. On espère que nous en serons capable dans l’avenir.
Il est possible qu’il existe une quatrième source de violation résultant de la troisième, car, si les neutrinos sont des fermions de Majorama, la matrice PMNS pourrait avoir deux violations de la symétrie CP. Nous parlerons des neutrinos de Majorama dans la partie traitant de la leptogénèse.
La violation de la symétrie CP dans le secteur du lepton générerait une asymétrie matière/antimatière appelée "Leptogénèse". Celle-ci permettrait alors d’expliquer le fait qu’il y ait plus de leptons que d’antileptons dans l’Univers, mais nous en parlerons plus tard.
La violation de la symétrie CP a été observée en 1964 sur les désintégrations des mésons K.
À l’époque, seuls trois sortes de quarks étaient connus dans le modèle standard. Pour que la violation de la symétrie CP fonctionne, il fallait qu’il y en ait six sortes. Ceci fût donc confirmé par la découverte des trois autres quarks.
La violation de la symétrie C, permet qu’il n’y ait pas autant dinteractions qui produisent plus de baryons que d’antibaryons que d’interaction générant le ratio inverse. La violation de la symétrie CP, elle, évite que le même nombre de baryons de symétrie gauche et d’antibaryons de symétrie droite, ainsi que le même nombre de baryons de symétrie droite et d’antibaryons de symétrie gauche, ne soient produit. Il faudrait donc que la matière et l’antimatière obéissent à des lois physiques différentes.

Violation du nombre baryonique B

Comme nous l’avons vu précédemment, le nombre baryonique est une quantité qui doit être conservée au cours d’une réaction, et qui n’est violée que par très peu de processus connus. Nous savons également, que, mathématiquement, son opérateur associé commute avec l’Hamiltonien :

[B,H] = BH - HB = 0

Parmi les violations connues, l’anomalie chirale se distingue, mais il en existe d’autres, comme par exemple l’hypothétique désintégration du proton. N’ayant jamais été observée, celle-ci est donc qualifiée pour l’instant de "rare", et on donne au proton un demie vie de l’ordre de 1033 ans.
Cependant, aucunes de ces violations ne peut contribuer à elle seule à la baryogénèse.

Interaction sur l’équilibre thermique

Pour que la symétrie CPT (T désignant le renversement du temps), soit violée, il faut également que les réactions aient lieu hors d’un équilibre thermique. C’est-à-dire qu’il faut que le taux d’une réaction qui génère une asymétrie baryonique doit être inférieur au taux d’expansion de l’univers. Dans ce cas, l’expansion est si rapide que les particules et leurs antiparticules correspondantes ne réalisent pas l’équilibre thermique. Or comme nous l’avons vu dans la première partie sur les premiers instants de l’Univers, la baryogénèse aurait eu lieu lors du phénomène de l’inflation, durant lequel le taux d’expansion de l’Univers était extrêmement élevé, et la température très haute. Ceci pourrait donc fournir une raison au déséquilibre thermique. En effet, à très basse température (O Kelvin), l’amplitude de la violation du nombre baryonique est proportionnelle à e-8π2∕g2 , ce qui donne donc lieu à un effet négligeable, et ne peut avoir aucune répercutions observables. Mais à très hautes température, ce nombre augmente sensiblement. Nous allons maintenant, au cours de la prochaine partie, parler de la leptogénèse.

0.14 La Leptogénèse

La leptogénèse est un mécanisme analogue à la baryogénèse que nous avons vu précédemment, et qui désigne les processus théoriques ayant conduit les leptons à dominer les antileptons, dès les débuts de l’Univers. Les premiers a parler de la leptogénèse furent Fukugita et Yanagida
Un lepton est une particule de spin 1
2, qui, contrairement aux quarks formant la matière baryonique, n’est pas soumise à l’interaction forte. En revanche, les leptons subissent les trois autres forces, à savoir la gravité, l’électromagnétisme et l’interaction faible.
Les leptons se classent en deux sortes distinctes :
-les leptons chargés, comme par exemple l’électron qui est le plus connu des leptons car il est présent dans les atomes qui nous composent, mais aussi les muons et les taus ;
-les leptons neutres, comme les neutrinos par exemple.
Les leptons chargés sont capables d’interagir facilement avec les baryons, formant ainsi des atomes (électrons, protons, et neutrons), ou bien avec l’antimatière, puisqu’un électon peut former avec un antiélectron (aussi appelé positron ou positon), un ensemble nommé "positronium" (mais dont la durée de vie n’est que de l’ordre de la centaine de nanosecondes. Mais nous avons déjà parlé de celui-ci précédemment.
Tandis que les leptons neutres comme le neutrinos n’interagissent pas avec le reste de la matière/antimatière, ce qui explique qu’ils soient plus durs à observer.
Il existe à notre connaissance, six sortes de leptons, réparties en trois générations :
-Les leptons de la première génération comprennent l’électron, et le neutrino électronique ;
-Les leptons de la deuxième génération sont le Muon et le neutrino muonique ;
-Les leptons de la troisième génération désignent le Tau et le neutrino tauique.

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Figure 4.5 : les différent leptons (et leur différents nom), à côté de leur antiparticule associée.

La nucléosynthèse primordiale est le processus de création des noyaux des premiers atomes (notamment l’Hélium 4), durant les premières dizaines de minutes suivant le Big Bang. Nous savons que pour la réalisation de la nucléosynthèse, l’asymétrie entre les leptons et les antileptons n’est pas nécessaire,cependant, en vertu des lois de conservation de charge universelle, il faut que l’asymétrie entre les leptons chargés et les antileptons, soit du même ordre de grandeur que celle entre les baryons et les antibaryons, c’est à dire, comme nous l’avons vu précédemment, un sur un milliard. La leptogénèse se propose d’expliquer l’asymétrie baryonique à partir des interactions à l’origine des masses des neutrinos. Selon cette théorie, elle serait du à la désintégration des triplets scalaires lourd. Un calcul précis de l’asymétrie produite de cette manière demande une prise en compte des équations de Boltzmann complètes. Ces équations de Boltzmann présentent des propriétés intéressantes, différentes de celles pour la désintégration de neutrino droits lourds. [33]

0.14.1 Leptogénèse thermique

Dans le modèle de la leptogénèse thermique, la température de l’Univers est très élevée. Pour simplifier le raisonnement, nous nommerons ici N1 le doublet de lepton et N2,3 les deux neutrinos droitiers. Où N1 est plus léger que N2,3.
Ces neutrinos sont suggérés par le modèle de bascule comme extension au modèle standard.

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Figure 4.6 : désintégration N1 lors de l’asymétrie CP[34]

kLa largeur de décroissance de N1 est Γ1 = λ12M18π. L’interférence observée dans la figure 4.6, et donnée par l’expression :

ϵ1 =                       ----
Γ (N1 → LH )- Γ (N1 → L H
--------------------------
Γ (N1 → LH )+ Γ (N1 → L H 1
4π- M1
M----
  2,3Imλ2,32 (1)

Après quelques développements mathématiques, nous pouvons réécrire l’expression de l’asymétrie CP comme :
Avec A le facteur complexe de la conservation CP

ϵ1   3
16π-M1Im  ˜m2,3
----v2---- = 10-6  Im ˜m2,3M1
0,05eV-1010GeV---
La nature de l’opérateur argument entraîne le fait que cette équation n’a de sens que dans un modèle où les particules beaucoup plus massives que M1 médiatisent un opérateur de masse du neutrino avec un coefficient m2,3. Ainsi, les deux diagrammes de la figure 4.6 contribuent à l’équation puisque lorsque M1 tend vers M2,3, les deux diagrammes arrivent à l’insertion de l’opérateur (LH)2. Le montant final de l’asymétrie baryonique s’écrira alors : nnB-
 γ gϵ1η-
 SM Avec GSM le nombre de degrés de liberté du spin, qui vaut 118, et η est un facteur d’efficacité qui dépend de la désintégration hors-équilibre de N1. [35]

0.14.2 Équation de Boltzmann

Les équations de Boltzmann sont des équations permettant de décrire l’évolution d’un gaz peu dense lorsque celui-ci se trouve hors équilibre. Elles peuvent également être relativistes. En l’ absence d’interactions le nombre de particules dans un volume V comobile reste constant. Les équations de Boltzann permettent de suivre l’effet des interactions différentes. Elles sont importantes pour nous aider à déterminer la vitesse et l’énergie cinétique des particules élémentaires au début de l’Univers. Les équations de Boltzmann pour la leptogénèse sont données par :

dNN1
--dz-- = -(D + S)(NN1 - NN1eq
dN
---B-L-
  dz = -ϵ1D(NN1 - NN1eq - WN B-L
Où B est le baryon, L le lepton, Ni le nombre de densité dans le volume comobile, z = MT1-, D = (ΓH Dz) le ratio de désintégration, S = Γ S-
(Hz ) le taux de diffusion et W = Γ W-
(Hz ) le taux de "washout". [36] Ces équations sont d’une grande importances dans la compréhension de la leptogénèse, et par extension dans la compréhension de la baryogénèse. [37]

0.14.3 Leptogénèse non thermique

La théorie de la leptogénèse thermique, qui implique des réactions exothermiques, n’est pas sans poser de problèmes au modèle standard et à la super symétrie. La leptogénèse non thermique se propose de résoudre les problèmes apportés par la théorie thermique. Elle repose sur la production non thermique de neutrinos lourds appelé neutrinos de Majorama. Nous verrons ici deux exemples : les désintégrations inflationnaires, et la leptogénèse AD.

Désintégration inflationnaire

Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’inflation est un phénomène qui a amené l’Univers a croître d’une manière extraordinaire, aux alentours de 10-35s. Durant l’inflation, on observe une désintégration en deux lourds neutrinos de Majorama :

Φ N1 + N1

Nous considérerons ici que les autres modes amenant à des désintégration en pairs de N2 ou en pairs de N3, sont interdits. Par la suite, chaque N1 va se désintégrer en H+lL ou en H + lL.
Les deux voies génèrent une symétrie CP, et nous pouvons alors exprimer le paramètre d’asymétrie ϵ :
ϵ = --3
8π--M1----
< H  >2m3δeff
δeff = Im [h2  + m2-h2 + m1-h2 ]
-----13---m3--12--m3--11-
 |h13|2 + |h12|2 + |h11|2
Ce qui donne, en valeur numérique :
ϵ ≈-2X10-6(---M1----
1010GeV)(--m3---
0,05eV)δeff
À ce moment-là de l’entropie est également formée. Le point fort de cette théorie est que ces désintégrations ne nécessitent pas de bond de températures, qui nous posaient problème tout à l’heure. La seule condition est que MΦ > 2M1.
Leptogénèse AD

Cette théorie repose sur l’hypothèse que le Φ acquiert une masse négative durant l’inflation. Ceci permettant donc également une rupture de symétrie CPT, tout réduisant l’effet exothermique.


Pour conclure, il existe plusieurs théories, elles-même avec leurs propres variantes, permettant d’expliquer l’inégalité matière/antimatière dans l’Univers. La plus connue et appréciée est la baryogénèse, laquelle travaille avec la leptogénèse. Ces théories repose sur l’idée de la violation de la symétrie CPT, et recherche une cause à cette violation qui n’ai été observé aujourd’hui. Malgré cela, la question demeure désormais un des plus grands débats de la cosmologie moderne.

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Conclusion

Dans cet article, nous avons tenté de couvrir les différents aspects connus et hypothétiques de l’antimatière. D’abord prédite par Dirac au début du siècle dernier, celle-ci fait désormais l’objet de nombreuses expériences et justifie la mise ne place de nombreux dispositifs, notamment des accélérateurs pour la créer, des décélérateurs pour pouvoir l’observer, et enfin des "pièges magnétiques" pour tenter de la stocker. À l’heure actuelle, on peut stocker de l’antimatière suffisament longtemps pour pouvoir l’étudier et éventuellement en tirer des conclusions. Le but de ces recherches est parfois médical, mais il peut aussi servir à la compréhension de la totale domination de la matière sur l’antimatière. En effet, beaucoup d’hypothèses existent pour décrire ce phénomène, survenu durant la première seconde de l’Univers, et qui a permis cette domination. Nous avons parlé de baryogénèse et de leptogénèse, expliquant respectivement la domination des baryons et des leptons. Une chose en ressort : il faut envisager une rupture de symétrie non prévue dans le modèle standard, et qui a pu se produire en vertu des conditions spéciales des débuts de l’Univers, comme la température et l’inflation.

Plusieurs expériences sur l’antimatière sont actuellement en cours ou prévues permettant d’approfondir nos connaissances. Il y a plusieurs expériences sur l’antihydrogène chez ALPHA, mais aussi chez ALPHA-g qui promet des mesures de l’effet gravitationnel prochainement et chez l’AMS qui continue ses recherches sur la matière sombre. IL y a aussi du développement dans les techniques de thérapie du cancer. On vit donc dans une ère où la science de l’antimatière est en pleine expansion.

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