La
supersymétrie, telle que définie par l’algèbre et les conditions de rupture
discutées plus haut, admet une très large gamme de modèles physiques. Le modèle
permettant l’annulation des divergences quadratiques du Modèle Standard tout en
introduisant le minimum de paramètres et de champs supersymétriques est le Modèle
Standard Supersymétrique Minimal ou MSSM. Il existe
cependant d’autres modèles supersymétriques ayant des contenus en particules
différents ou encore plusieurs instances des générateurs et
. Par contre, ces théories sont souvent réductibles au MSSM,
ou encore ils présentent des anomalies inacceptables, notamment en n’admettant
pas certaines violations de parité présentes dans le MS.
Les
particules d’une théorie supersymétrique sont regroupées sous forme de
représentations irréductibles de l’algèbre supersymétrique appelées supermultiplets, qui sont associés aux superchamps décrits à la section 2. Ainsi, un
supermultiplet contient un nombre égal de degrés de liberté bosoniques et
fermioniques (nF = nB) formant des couples de
superpartenaires. Ainsi, si deux particules et
font partie d’un
même supermultiplet, une combinaison des générateurs
et
opérant sur
l’une permet de la transformer en l’autre.
De
plus, et
commutent avec
la quadri-impulsion P et donc avec P2, ce qui implique des valeurs
propres de P2 identiques pour tous les membres d’un supermultiplet.
Or, les valeurs propres de P2 correspondent à la masse, ce qui
confirme l’égalité des masses des superpartenaires (en l’absence de rupture).
Les générateurs supersymétriques commutent également avec les générateurs des transformations de jauge, ce qui implique que des superpartenaires ont les mêmes charges, isospins, etc. De plus, ceci exige que les membres d’un supermultiplet fassent partie de la même représentation du groupe de jauge. Il est donc impossible de faire correspondre un fermion et un boson de jauge du MS comme superpartenaires. La supersymétrie nécessite ainsi l’introduction d’un nouvel ensemble de particules.
On
peut maintenant établir le contenu en particules du MSSM. Le supermultiplet le
plus simple respectant l’algèbre supersymétrique comprend un fermion de spin ½
(avec 2 hélicités, nF = 2) et un boson scalaire de spin 0 dont le
champ est complexe (nB = 2). Ceci constitue un supermultiplet
chiral. Les quarks et les leptons du MS, dont le
spin est justement ½, font partie de tels supermultiplets. On désigne le
superpartenaire bosonique scalaire d’un fermion du MS en ajoutant s (scalaire) devant son nom: sélectron , squark up
, sneutrino
, etc. Comme il fut établi plus haut, les interactions de
jauge auxquels participent les squark et sleptons sont les mêmes que leurs partenaires
du MS. Par exemple, seule la composante d’hélicité gauche du squark up
participe aux interactions faibles et se couple avec les bosons W± et Z0. Ainsi, les composantes d’hélicités d’une
particule doivent former des supermultiplets différents. Pour les 3 familles de
quarks (u d), (s c) et (b t), on aura alors trois familles constituées chacune
d’un supermultiplet-doublet gauche avec interaction faible et deux
supermultiplets-singlet droits correspondants. Il en sera de même pour les
trois familles de leptons (e ne),
(m nm) et (t nt), excepté que les neutrinos ont toujours une hélicité gauche. En
somme, on a les supermultiplets suivants :
Tableau 1 : Supermultiplets chiraux des quarks et des leptons du MSSM
L’autre
possibilité la plus simple pour un supermultiplet comporte un boson vecteur
sans masse de spin 1 et un fermion sans masse de spin ½. Chacun possède 2
hélicités, de sorte qu’on a 2 degrés de liberté fermioniques et bosoniques. Puisque
les bosons vectoriels jouent souvent le rôle de médiateurs d’interaction, un
tel supermultiplet est dit de jauge. Il est naturel
d’inclure les bosons de jauge du MS dans de tels supermultiplets. Un
superpartenaire fermionique de spin ½ porte le nom du boson correspondant suivi
du suffixe –ino. D’abord, l’interaction de jauge SU(3) en QCD est associée à 8
gluons transportant la couleur. Ils auront donc comme superpartenaires 8
gluinos g~ fermioniques. Quant à elle, la symétrie de jauge
électrofaible nécessite trois bosons de spin 1 W± et W0 pour sa partie SU(2) et un boson B0
pour sa partie U(1). En dessous de l’énergie de rupture électrofaible, les
champs du W0 et du B0 interagissent avec celui du Higgs
et se mélangent pour donner le boson faible massif Z0 et le photon g. On aura donc comme superpartenaires fermioniques électrofaibles
trois Winos et
et un Bino
, le
et le
se mélangeant à
basse énergie pour donner un Zino massif
et un photino
sans masse
. Puisque les transformations de jauges sont indifférentes
aux hélicités des bosons de jauge et donc de leurs superpartenaires, il n’est
pas nécessaire de créer des supermultiplets séparés pour les composantes gauche
et droite comme pour le cas chiral. En somme :
2: Supermultiplets de jauge du MSSM
Il
reste à situer le boson de Higgs dans le MSSM afin de maintenir la rupture de
symétrie électrofaible. Puisque celui-ci est un scalaire, donc de spin 0, il
est naturel de l’inclure dans un supermultiplet chiral. Par contre, il s’avère
ici nécessaire d’introduire 2 supermultiplets contenant chacun 2 composantes du
champ de Higgs. En effet, la supersymétrie associe au Higgs un higgsino
fermionique de spin ½. Or, le maintien de la symétrie de jauge électrofaible
SU(2) x U(1)1, et donc de
l’annulation des certaines divergences quadratiques, nécessite que la trace des
matrices d’hypercharge faible pour l’ensemble des fermions soit nulle :
Dans
le MS, il adonne que les hypercharges faibles de tous les quarks et leptons
s’agencent de façon à s’annuler. Par contre, l’introduction par le MSSM d’un
seul higgsino, dont Yw est non-nulle, brise cette annulation. Il est
donc nécessaire d’introduire 2 higgsinos avec Yw = ±1. On regroupera ainsi les composantes neutres et chargées du champ
de Higgs en deux supermultiplets. Le premier comprend (Hu+
Hu0) avec des charges Qém = (1 0) et des
isospins faibles Iw3 = (½
-½), et le deuxième comprend (Hd0 Hd-)
avec Qém = (0 -1) et Iw3 = (½ -½). La notation Hu et Hd provient du fait
que seul un Higgs avec Yw= 1 a les couplages de Yukawa permettant de
donner une masse aux quarks de charge +2/3 (u, c, t), et seul un Higgs avec Yw=
-1 peut donner une masse aux quarks de charge -1/3 (d, s, b) ainsi qu’aux
leptons chargés. Similairement au MS, le boson de Higgs physique est une
combinaison linéaire des composantes neutres Hu0 et Hd0,
et les composantes chargées sont avalées par les bosons faibles W± et Z0. Chaque composante possède son superpartenaire
fermionique, un higgsino , et on a en somme :
3: Supermultiplets chiraux du Higgs du MSSM
Ceci complète le contenu en particules du Modèle Standard Supersymétrique Minimal. Pour chaque particule du Modèle Standard, il a fallu introduire une nouvelle particule supersymétrique dont le spin diffère toujours de ½ par rapport à son superpartenaire. Chaque couple ainsi formé a les mêmes nombres quantiques et la même masse en régime supersymétrique. Comme il fut discuté à la section 3, à basse énergie, il y aura une différence de masse de l’ordre de l’échelle mdoux associée à la partie de brisure douce du Lagrangien supersymétrique.
1 Cette symétrie correspond à la troisième composante d’isospin faible
Iw3 et à l’hypercharge faible Yw = 2(QEM - Iw3).